Ce billet s’adresse aux mères et partenaires qui se préparent à accueillir un enfant. Il s’adresse aussi aux proches de ceux-ci afin de les aider à comprendre ce qui se passe avec vous quand en postnatal, vous aurez décidé de limiter les visites et de passer la majeure partie de votre temps nue, à l’horizontale, avec les seins plaqués sur votre bébé.

Trop souvent, la femme* ou la personne qui vient d’accoucher se lève dès le lendemain, se maquille, s’habille et fait même son lit, toute prête à recevoir la visite et à servir le thé. Comme si rien ne s’était passé à part la livraison du bébé tant attendu.

Comme si elle ne venait pas d’être fragmentée en mille miettes pendant le sommet de son accouchement. Comme si son vagin ne s’était pas ouvert aussi gros qu’un melon. Comme si ses muscles n’avaient pas travaillé aussi fort que pour faire un Iron Man. Bref, comme si accoucher se comparait à une virée chez IKEA pour ramasser l’élément manquant au décor Instagram de la nurserie tout assortie.

Après plus de quinze ans à côtoyer les naissances, ce phénomène de la mère qui accouche et reprend sa vie « comme si rien ne s’était passé », je l’ai vu et revu. De la fermière qui enlève les gourmands dans ses tomates au lendemain de l’accouchement, à la femme qui essaie d’aller courir un petit trois kilomètres à jour deux postnatal !

Et tout le monde de s’exclamer : « Elle est vraiment faite pour avoir des enfants celle-là ! ».

Comme si servir le café et désherber son jardin après avoir accouché était des critères de base pour passer le test de la mère moderne.

Il est temps que nos visions changent

La femme qui vient d’accoucher devrait passer au minimum la première semaine postnatale le plus possible à  l’horizontale, nue, et les seins collés sur son bébé. Elle devrait être entourée de quelques personnes bienveillantes qui s’alternent pour la nourrir (au lit), tenir le bébé quand elle souhaite prendre un bain.* Elle devrait avoir de l’eau et des tisanes à volonté, et être le moins possible dérangée.

*Oui, les femmes qui accouchent par voie basse peuvent prendre un bain juste après avoir accouché, et ce, sans souci. Voilà un autre mythe à déconstruire. En plus, c’est tellement jouissif un bain après un accouchement. Évidemment, le bain doit être propre!

Freebirth

Le postnatal, c’est intense.

La femme vient d’accoucher. Le bébé vient de naître. Il n’y a pas plus intense changement dans une vie à part mourir, et ça, on n’en revient pas vivant. Accoucher et naître sont donc les passages les plus puissants et transformateurs qu’on aura conscience de vivre en tant qu’humain. Pourquoi alors leur donne-t-on si peu d’importance ?

Il est temps de changer nos visions de la transition de femme à mère, de fœtus à nouveau-né. Il y a urgence d’honorer ces passages. Alors, on pourra assister à l’émergence d’un monde meilleur, plus conscient et respectueux des familles.

Dans le livre “The first forty days the essential art of nourishing the new mother” (Un Bestseller que je conseille à tout le monde lisant l’anglais), on nous apprend même que  la femme qui est bien nourrie et qui se repose au maximum pendant les six premières semaines postnatales, vivra plus longtemps, vieillira moins vite et sera davantage en santé comparé à celles qui se sont levées et activées trop vite après l’accouchement. Ça fait tellement du sens quand on y pense…

Vous voulez sauver sur les crèmes anti-cernes et anti-rides? Reposez-vous en postnatal !

« Si on veut changer le monde, il faut d’abord changer la façon de naître. » Tous les grands penseurs et acteurs de la naissance le disent. Et c’est exactement pour cela que j’ai créé ma Préparation virtuelle pour un postnatal optimal.

Crédit photo – Marie Marine photographie

Que faut-il faire exactement ?

Il y a urgence de changer nos paradigmes de pensées, tant pour la naissance, la transition de couple à parents, que pour la parentalité comme telle.

La naissance n’est pas un acte médical, c’est un processus physiologique normal, intime, transformateur et définitif. Impossible de revenir en arrière. La femme qui a traversé le vortex de la naissance est changée à jamais.

Ce qui est souhaitable, c’est qu’après avoir accouché la femme se sente plus forte et puissante, parce qu’elle aura réussi à s’émanciper dans son expérience d’enfantement. Même l’OMS le dit dans ses nouvelles recommandations intrapartum publiées en 2018. « Si on vise l’émancipation des femmes qui enfantent alors on pourra réellement voir une diminution de la mortalité et morbidité périnatale » — Traduction libre.

Or, on sait tous que de nombreuses femmes accouchent encore sous l’emprise d’un paradigme médical autoritaire et dictateur, donnant souvent lieu à de terribles chocs post-traumatiques. Dans ces cas précis, le départ dans la maternité est fragilisé, et l’accompagnement, ou non, du trauma aura un impact symbolique sur le déroulement de la période postnatale.

La femme qui vient d’accoucher, qu’elle se soit émancipée dans son expérience ou qu’elle en soit traumatisée, a besoin de se déposer et d’apprivoiser sa nouvelle réalité de mère et tout ce qui s’est passé à l’accouchement.

Elle a besoin de se réapproprier son corps qui dégonfle de jour en jour. Elle a des saignements à gérer, des courbatures à soulager, une montée de lait à vivre, un allaitement à installer, un couple à redécouvrir en tant que parents. Bref, elle a besoin d’atterrir et les atterrissages, ça se passe à l’horizontale.

Postnatal

Crédit photo – Adèle photographie

Les menaces d’un postnatal négligé

Si la femme se lève et reprend sa vie aussitôt, le vortex de la naissance se refermera plus vite que souhaité. En refermant le vortex de naissance de façon trop précoce, la femme se prive alors de plusieurs éléments transformateurs de son accouchement, en plus de favoriser l’émergence de potentiels traumas.

Si elle reprend sa vie trop vite, la femme risque aussi de ne pas regagner aussi bien son tonus pelvien et abdominal. Elle s’expose alors à davantage de prolapsus (vésical, utérin, cervical) à long terme, à plus de difficultés à atteindre l’orgasme, de même qu’une plus grande diastase abdominale.

Bien sûr si elle n’a que vingt-cinq ou trente ans, elle ne s’en rendra pas compte tout de suite. C’est plutôt dans dix, quinze ou vingt ans qu’elle en paiera le prix, quand elle essaiera de sauter sur le trampoline avec ses enfants (sans uriner dans sa culotte), ou qu’elle aura du mal à atteindre  l’orgasme en entrant dans la préménopause.

Bref, si ce qu’il vous faut c’est la peur d’uriner en éternuant ou en riant, ou, l’incapacité de jouir comme avant, pour accepter de rester coucher la première semaine après l’accouchement, et bien j’accepte d’être celle qui vous fait ces peurs-là.

La femme qui vient d’accoucher a aussi, et surtout, besoin d’apprivoiser son enfant.  Un apprivoisement qui se fait dans la proximité, la nudité et l’intimité. Ça ne se fait pas avec un téléphone à la main en lisant vos fils d’actualité.

S’il y a bien un moment dans votre vie où vous devriez décrocher d’internet pendant au moins quelques jours, c’est bien en accouchant et après avoir accouché. Mettez-le sur Facebook votre bébé si ça vous souhaites annoncer ainsi sa naissance à vos proches, après tout c’est une manière efficace et pratique, mais pour l’amour, éteignez votre téléphone aussitôt que c’est fait.

Je vous lance même le défi de supprimer vos applications (Facebook, Instagram, Messenger, etc.) pendant la durée du babymoon.  Vous les remettrez après une semaine, ou deux si vous tenez aussi longtemps ! Et si cela vous parait impossible à faire, alors osez au moins laisser votre téléphone dans une autre pièce par moment. (Je sais, c’est fou de devoir se motiver à faire ça, mais c’est là que nous en sommes en 2020. Et je l’avoue, je suis moi-même une maman beaucoup trop branchée qui travaille fort pour décrocher en présence de ses enfants!)

Cela dit, en postnatal la seule et unique priorité est de respirer votre bébé et de profiter de l’ocytocine qui s’en dégage. J’irai aussi jusqu’à dire, si la température le permet, ne l’habillez même pas votre bébé. Gardez-le collé en peau à peau et couvrez-le simplement d’une petite flanelle au besoin. Je vous jure que si vous faites ça, la proximité avec lui sera votre meilleur guide. En quelques jours seulement vous deviendrez la spécialiste de votre bébé, parfaitement en phase avec lui.

Les femmes qui s’en mettent trop sur les épaules rapidement après avoir accouché, qui habillent leur bébé et qui vont marcher après deux jours, celles-là qui reçoivent la visite dans une maison trop propre pour une femme qui vient d’accoucher, ce sont les mères les plus à risque d’épuisement, de mastite, de problème d’allaitement divers et de dépression postnatal.

Investir dans le repos, l’horizontalité de la première et idéalement les DEUX premières semaines postnatales, c’est du placement à haut taux d’investissement. Le meilleur que vous pouvez faire à vie !

 

 

Et lui, le bébé ?

Mettez-vous un instant à la place d’un nouveau-né. Même si nous sommes tous passer par là, on a oublié à quel point c’est intense de naître et d’apprivoiser un corps physique, émotionnel et psychique.

Du monde utérin où il ne fait qu’un avec sa mère, au monde terrestre où il s’en trouve physiquement dissocier à la séparation du placenta et la coupure du cordon, le nouveau-né prendra du temps – voir des mois et des années –  à comprendre et apprivoiser les sensations qui le traversent, le font jouir ou souffrir.

Avant de naître, tous ses besoins – alors ignorés de sa conscience – étaient comblés, orchestrés par le placenta et protégés par la bulle amniotique, le tout, dans une parfaite unicité avec sa mère.

À maturité utérine, la naissance lui impose alors cette perte définitive de ce paradis utérin où il fait si bon exister, où “être” est si simple et inné, où tout est sécurité et abondance.

Une fois né, l’enfant est projeté dans une nouvelle dimension, inconnue, parfois même effrayante, et menaçante. De l’air sur sa peau à celle dans ses poumons, il découvre la nourriture vitale qu’est le souffle, en même temps que son impuissance face au froid.

Il apprivoise la lumière dans ses yeux, les sons et ses répercussions sur ses émotions, le toucher bienveillant de sa mère, son père, son autre mère, ou celui plus mécanique de certaines mains.

Sa survie dépend d’un réflexe primitif : la succion. La succion de ce lait qui peut le remplir à nouveau de sa mère quand le vide lui tressaille l’estomac, ou que l’insécurité le rend émotif. Mais il doit le digérer ce lait, en éliminer les déchets. Tous les trous de son corps l’invitent à la découverte de sensations nouvelles et intenses.

Il ne comprend rien à ce qui se passe. Il pourrait mourir si on ne prenait pas soin de lui, mais il l’ignore. Il a une confiance absolue dans l’instant présent. Il ne demande rien avec précision, mais il est animé par sa rage de vivre.

Postnatal

Crédit photo – Adèle photographie

C’est pour ça qu’il importe aussi et surtout pour lui, de mettre en place des conditions postnatales optimales. Si la femme a besoin de récupérer et apprivoiser sa nouvelle réalité, il en va doublement de soi pour lui qui vient juste d’atterrir dans la vie.

Qu’on croie ou non aux vies antérieures, le nouveau-né vit un processus d’incarnation dans ses premières semaines de vie. C’est un apprivoisement multidimensionnel qu’il importe d’optimiser avec douceur.

Pour cela, le bébé a besoin d’intimité, de calme, de pénombre, de chaleur et de douceur. Il nous ramène au concept du babymoon, soit le besoin de s’isoler du monde, virtuel et réel, pour plonger à la découverte de l’amour et de la nouvelle relation qui se construit.

Rappelez-vous la longueur du cordon. Bien qu’on le coupe à la naissance le cordon nous parle de la proximité idéale dans laquelle bébé devrait se trouver par rapport à sa mère, et ce, idéalement pour les neuf premiers mois de sa vie. Au fil du temps, le cordon —invisible— s’allongera, mais pour l’instant la proximité reste la trame de fond.

Si on respecte cette loi —évidente— de la nature, on optimise la qualité de la période postnatale pour la mère, le bébé et sa famille. Tout sera d’emblée plus calme et facile à apprivoiser et la découverte deviendra instinctive.

En postnatal immédiat, il n’y a qu’une seule urgence, celle de plonger dans le toucher, l’odeur et le regard de votre nouveau-né. Le FOMO (fear of missing out) n’a pas lieu d’être.

Il n’y a rien de plus important à faire que d’être là, couchée, nue, à coller son bébé, le nourrir, le langer et l’aimer. Il n’y a pas plus beaux moments que de plonger dans le regard de son ou sa partenaire et de lui raconter les dilatations de son cœur qui apprend à aimer cet enfant.

Il n’y a pas plus importants moments que ces trente premiers jours à découvrir son nouveau-né. Toute la vie après, ils seront un précieux repère pour vous donner la force de traverser les épreuves que la vie vous amènera. Jamais vous ne pourrez regretter d’en avoir profité à fond. Le FOMO, c’est là que vous devriez l’avoir en fait !

Concrètement alors, on fait ça comment ?

Je vois venir les commentaires à l’avance. «C’est bien beau ton concept du babymoon Karine mais avec une grosse famille, c’est impossible de faire ça !», ou «Moi, je me sens bien deux heures après avoir accouché, je suis pleine d’énergie alors je ne vois pas pourquoi je m’imposerais un tel repos.»

L’idée n’est pas de vous imposer un repos forcé, mais de vous inviter à vous arrêter le temps d’un babymoon. Vous avez envie de vous lever un peu? Allez-y ! Marchez jusqu’au salon, allez prendre un bain ou vous assoir sur le canapé. Bref, profitez un peu de la maisonnée et ensuite, retournez au lit.

Les sages-femmes proposent habituellement un minimum de deux heures d’horizontalité deux fois par jour la première semaine postnatale, puis au minimum une période de deux heures la deuxième semaine. Si vous suivez cette petite formule toute simple, vous verrez votre énergie en train de bien revenir à la troisième semaine, de même que l’envie irrésistible de voir du monde ou d’aller quelque part.

«À mon deuxième, on a installé un lit au salon. C’était chouette de coller bébé et de voir la maisonnée s’animer quand j’en avais marre d’être seule dans ma chambre.» – Charlotte

Personnellement après avoir fait l’erreur à mon premier bébé, quand j’accouche je reste maintenant au lit au moins cinq jours avec des petits levés ici et là. Évidemment, il faut l’organiser son postnatal quand on veut qu’il se passe ainsi. Il faut avoir le luxe d’une personne bienveillante qui prend soin des enfants et de la maisonnée. Ça peut-être une amie, une soeur, une mère, ou même une doula postnatale. Évidemment, ça peut être notre partenaire, mais j’aime bien l’idée que ce dernier puisse aussi se reposer et contempler bébé avec maman, parce que le babymoon, dans un monde idéal, ça se vit en couple et en famille.

Sur ce, je vous souhaite un merveilleux plongeon dans la magie du babymoon.  D’ailleurs, pour continuer votre réflexion,  je vous encourage à lire ce billet:  10 règles d’or pour un postnatal idéal. C’est le billet le plus populaire de mon blogue après celui-ci! Et bien sûr, il y a ma Préparation virtuelle pour un postnatal optimal.

 

 

* Le mot Femme est utilisé un peu partout sur ce blogue pour désigner une personne qui détient un utérus. 

** Ce blogue se veut inclusif et à l’honneur de la normalité de l’enfantement chez une femme en santé avec une grossesse, un accouchement et un postnatal qui se situe dans les limites du normal. L’allaitement est considéré comme la norme physiologique de base et est donc pris pour acquis comme prémisse de rédaction, cependant le non-allaitement n’est pas considéré comme mal ou négatif. 

***Dans ce billet, le repos en période postnatale est mis à l’honneur et recommandé comme étant une prémisse optimisant le rétablissement de la mère et la relation mère-père-nouveau-né. Parlez-en à votre médecin ou sage-femme pour planifier votre postnatal en respect avec votre histoire, contexte et santé.