Accoucher sous l’épée de Damoclès. Le poids des antécédents et des facteurs de risque.
Dans le monde des naissances, un antécédent est un événement antérieur du parcours obstétrical de la femme. Il y a des antécédents positifs, comme le fait d’avoir déjà accoucher sans complication, et des antécédents plus négatifs, comme le fait d’avoir eu une césarienne.
Quand elle est à nouveau enceinte, l’antécédent négatif de la femme lui dévoile alors une panoplie de risques augmentés. L’antécédent est devenu un facteur de risque. Et comme il se rattache au mot «risque», ce facteur devient le coefficient d’une probabilité X-Y-Z à développer de nouveau le même scénario, mais aussi tous ses risques afférents.
Bien que la logique de l’enfantement nous rappelle que chaque histoire a son contexte, lui-même étroitement lié à plusieurs facteurs (physique, environnemental, émotionnel, etc), en obstétrique, un antécédent prend vite les allures de l’épée de Damoclès. En d’autres mots, une fois que l’antécédent dévoile tous ses facteurs de risques, il devient une menace constante.
« D’après la légende grecque, (…) pour faire comprendre à Damoclès combien son bonheur était précaire, le roi l’invita à un banquet. Damoclès était attablé, une épée suspendue au-dessus de sa tête ; mais cette épée n’était retenue que par un crin de cheval. C’est pourquoi l’on parle d’une « épée de Damoclès » pour décrire une situation périlleuse ou pour évoquer des circonstances particulièrement risquées. » (1)
Quand la femme devient Damoclès, sous le poids des antécédents et des facteurs de risque, le courage dont elle doit faire preuve n’est parfois pas suffisant pour faire tenir le crin de cheval jusqu’à la fin de son accouchement.
L’analyse des antécédents et des facteurs de risque
Les professionnels côtoyant la naissance ont un rôle primordial face aux facteurs de risques et aux antécédents. Deux choix s’offrent à eux.
Le premier, adhérer au concept du «risque augmenté» et le faire peser sur la femme comme une menace constante pour le succès, jugé très peu probable, de son accouchement.
Le deuxième, tenir compte des antécédents et des potentiels facteurs de risque. Puis, mettre en place un accompagnement global permettant à la femme de comprendre ce qui s’est réellement passé et comment tout peut être différent si on met en place des facteurs favorisant la réussite.
Dans le premier cas, un professionnel travaillant dans la peur et une femme stressée. Un scénario qui mènera fort certainement vers un autre accouchement «catastrophique», renforçant le concept du risque et du besoin d’intervenir en présence d’antécédents négatifs.
Dans le deuxième cas, un partenariat de confiance entre la femme et le professionnel, s’appuyant sur la prémisse que le corps de celle-ci sait comment accoucher et que si on met en place un climat favorable, les chances de réussite sont fortement augmentées.
Quand le tricot d’une histoire de naissance «négative» est bien détricoté, on revient toujours à la compétence initiale de la femme à accoucher son bébé.
Petite histoire de naissance
J’arrive justement d’un accouchement avec une femme qui avait plusieurs facteurs de risque. Le premier, une césarienne. Le deuxième, une dystocie d’épaule à son deuxième bébé, né par voie vaginale à l’hôpital. Et le troisième, une hémorragie postpartum à cette même naissance.
Tout au long du suivi prénatal, nous avons révisé son histoire de long en large. La césarienne était pour un siège. Elle n’était pas liée à une incapacité, mais plutôt à un système médical qui décide de la position foetale acceptable pour naître par voie vaginale.
Après la lecture du dossier de son deuxième accouchement, nous avons conclu que la dystocie d’épaule n’en était surement pas une, comme la tête et le corps sont sortis dans la même minute. Si seulement on avait laissé le temps à ce bébé de faire sa restitution. Les manoeuvres précipitées n’auraient certes pas donner l’impression d’enclaver ses épaules sous la symphyse.
Quant à l’hémorragie, elle était certainement davantage liée au stress des gens autour qu’à une paresse de son utérus. On sait bien qu’un placenta né dans un intervalle de dix minutes postnatales, à bout de tractions constantes du cordon (par des gens stressés), est une pratique qui augmente les risques d’hémorragie.
Bref, en dé-tricotant son histoire en prénatal, on a re-conditionné les perceptions de cette femme face à son corps. Ainsi, elle a pu comprendre qu’en réalité ses antécédents étaient probablement plus liés à une prise en charge médicale trop interventionniste qu’à une réelle incapacité de son corps à enfanter.
C’est ainsi que cette femme a accouché sans soucis, dans sa toute puissance et en pleine conscience. Le bébé est né en quelques heures, dans ses membranes. Quant au placenta, il est sorti facilement, dans l’heure suivant la naissance.
On ne joue pas à l’autruche!
Il ne s’agit pas de jouer à l’autruche et de nier l’existence des antécédents et des facteurs de risque. Mais plutôt de les approcher en les contre-balançant avec des facteurs de santé et de réussite. Le corps d’une femme en santé est fait pour accoucher. Et quoi qu’il en soit, les bébés sont destinés à naître.
Au final, on ne peut rien promettre, ni prédire quoi que ce soit avec certitude. La naissance existera toujours avec ses milles nuances de gris. Seulement, à force d’attacher les risques aux femmes comme une épée de Damoclès, la confiance dans l’enfantement est menacée d’extinction. Ce qui laisse toute la place à la peur et ses ravages.
Les professionnels qui côtoient la naissance ont un rôle clé dans cette confiance qu’ont les femmes en leur corps. Elles n’ont pas à payer le prix de leurs peurs et des leurs surplus d’interventions. Sans nier l’existence et les conséquences possibles des urgences obstétricales, rien n’excuse que la peur de celles-ci vienne brimer la sécurité de la physiologie initiale. La peur est certainement le pire ennemi de la physiologie de l’enfantement.
Pour découvrir combien ça peut être beau et simple accoucher, quand on est préparé et qu’on plonge dans l’accouchement avec confiance, je vous invite à lire ce billet: ici.
Et c’est ainsi, pleine de confiance en moi, que j’ai mis au monde, par voie basse et par 3 fois, mes trois dernières filles, après avoir eu 3 césariennes…
Hélène, vous êtes une déesse! Votre commentaire est un cadeau qui va inspirer plusieurs mamans j’en suis certaine!. Vous êtes la preuve vivante que c’est possible. L’exemple parfait que si on détricote bien une histoire construite sous l’emprise d’un paradigme médical, il est possible d’en tricoter une nouvelle… inspirée du paradigme originel!
Merci vraiment de mettre les mots sur ce qu’il m’ait vraiment arrivé et là clairement ça redonne confiance pour un éventuel troisième bébé dans un état d’esprit bien plus serein.
Faut il encore trouver l’accompagnant qui sera à l’écoute ou bien juste ma conviction la plus profonde à me faire confiance pour un accouchement plus serein sans toute la pression médicale je ne sais pas encore je continue mon cheminement
L’accompagnement, c’est si important, ça fait partie du territoire de naissance.Tout comme le fait d’avoir la conviction d’un accouchement libre, à sa façon, et sous sa propre autorité. C’est ça, le nouveau paradigme. L’équilibre entre science et sacré… Je vous souhaite le plus beau des accouchements ! K. 🙂 <3