Laissez-moi vous raconter la femme enceinte quand elle est aussi pleine de vie que la lune au vingt-neuvième jour et demi de son cycle. Voici à quoi ressemblent (pas toujours mais souvent) les derniers jours, et semaines, précédant la mise au monde, quand la femme est fragmentée par sa fin de grossesse, ouverte malgré elle par l’intensité de la plénitude qui ouvre les premiers volets de sa maternité en passant par son cœur, sa psyché, et finalement, le vaisseau de son corps.

L’embarcation : une attente aux allures interminables.

La femme est encore (toujours )enceinte, et pourtant, tout en elle se ramollit. Elle n’a plus envie de rien dans cette vie sans ce bébé qui bouge en elle. C’est de la vie avec lui dans ses bras qu’elle veut. Tout est devenu futile, vide, ennuyant, sans sens réel.

Cette vie qu’elle a eue jusqu’à présent, elle s’en moque. Elle n’en veut plus sans lui dans ses bras. Elle n’a plus d’énergie pour rien sinon que, d’enfanter ce bébé.  Aucune motivation pour autre chose que de devenir sa mère.

Le rituel des «possibles dernières fois».

Chaque fois qu’elle prend un bain, elle se dit que c’est peut-être la dernière fois qu’elle se lave avant mon bébé. Alors elle prend le temps d’huiler ton corps. Elle place ses cheveux.  

Le matin, et parfois en plein après-midi, elle cache ses cernes et se maquille un peu. Son visage est arrondi, à la fois boursoufflé et creusé par tous ces mois d’insomnie. Elle veut être belle pour son bébé quand il arrivera.

Même si elle sait trop bien qu’au sommet du vortex elle perdra sa pudeur, sa coiffure, sa dignité, qu’elle redeviendra cromagnonne, pour aller chercher son bébé dans cet ailleurs où l’âme des enfants futurs attend patiemment leurs mamans.

Peu importe.

Elle se met belle et se dit qu’elle sera au moins peignée et un peu maquillée quand les contractions commenceront. Elle sait bien que c’est futile, mais elle y tient. Elle veut être belle pour lui.

La lessive est à jour. Les vêtements d’accouchement sont à portée de main au cas où. Son cellulaire est toujours chargé, celui de chériE aussi. Tout est prêt pour la grande traversée et le retour avec un nouveau-né à chérir.

Le congélateur est rempli. Le plan postnatal est fait, organisé. Tout est sous contrôle avant de perdre le contrôle et embrasser l’inconnu. C’est l’instinct de réassurance. On ne sait jamais d’avance comment se passera la naissance, ni même si on en reviendra avec un bébé vivant, alors vaut mieux avoir un nid douillet au retour. 

Chaque soir, la femme (pleine des promesses de cette nouvelle vie) va au lit en laissant la maison propre, au cas où bébé arriverait, puis chaque matin elle se réveille à nouveau enceinte. Ainsi, chaque jour , elle reprend le même rituel des peut-être dernières fois.

Elle l’attend et le voit partout.

Qu’elle est ennuyante cette vie sans son bébé parmi eux. Il ne manque que lui pour que son bonheur explose.

Hier dans le bain, elle a mis ses doigts dans son vagin. À la recherche de son col, certes, mais aussi par instinct de le toucher un peu.  Elle a bien senti sa tête toute ronde et engagée à travers ses parois. Son col est mou comme les lèvres d’un baiser passionné. Elle l’a trouvé court et un peu ouvert peut-être. Il n’attend que les vagues qui le pousseront à s’ouvrir.

Tout est attente, longueur, éternité dans ces derniers miles de l’embarcation

Elle s’en fout de manquer les rendez-vous à venir et de ne pas avoir mis de l’ordre dans son ordinateur. La liste des choses à faire avant bébé est presque toute faite et les choses qui ne le sont pas ne lui paraissent plus essentielles.

Tout de cette vie actuelle est devenu futile face aux promesses de la vie avec son bébé.

Elle est lourde, lente, absente parmi les siens. Elle est errance.

Elle voudrait s’endormir et ne plus rien faire jusqu’au moment où les vagues commenceront pour vrai. Elle n’a plus la patience de l’instant présent.

Ses enfants plus vieux l’énervent. Certains jours, elle n’a même plus envie d’être leur mère et elle s’en veut chaque fois de penser ça. Elle s’ennuie de rire avec eux, mais n’y arrive plus.

Tout le monde lui dit : « Profites-en, c’est peut-être la dernière fois de ta vie que tu es aussi enceinte. » Mais elle les emmerde. Ils l’énervent tous avec leur morale. Elle a fait le tour de cette grossesse, l’expérience est suffisante.

 

« Tu es prêt, mon bébé. Tu peux venir. Tout est prêt pour toi dans ce monde.

Je ne veux plus attendre.

Je t’aime tant déjà.» - Maman

Une, deux ou trois semaines plus tard…

Ça suffit là et c’est vrai. Elle a peut-être dépassé son terme, ou peut-être même pas. Ça n’a pas d’importance. Elle est arrivée au bout de sa fragmentation prévortex. Elle a pleuré toutes les larmes qu’elle avait à pleurer. Elle a transcendé toutes les peurs qui lui restaient et l’empêchaient de plonger. Elle a même laissé aller l’ordre de son petit nid tout douillet.

C’est l’abdication ultime. Le moment attendu, mais impossible à concrétiser avant son temps. C'est donc ça le fameux « Tu dois lâcher-prise. »

« Mais JE-LÂ-CHE-PRISE pourtant. »

Mais non, maintenant elle sait ce que cette phrase ridicule veut dire. Elle réalise qu’entrer en travail au moment exact où les étoiles de son bébé le décident, et non le système et ses termes gestationnels prédéfinis, c’est bien au-delà du lâcher-prise.

Entrer dans le vortex de la naissance de façon naturelle, à 38, 39, 40, 42 (43 parfois) semaines de grossesse c’est au-delà du lâcher-prise, c'est une fragmentation à froid, une abdication, qui se résume presque à conclure :

« J’en ai marre, mais j’accepte d’être enceinte pour toujours! »

bébé arc-en-ciel

 

Écrire une lettre à son bébé.

C’est un conseil que je donne à toutes les femmes que j’accompagne quand elles arrivent aux derniers instants de leur grossesse. Pour les aider à abdiquer. Pour les aider à s’ouvrir et accepter l’impuissance.

C’est un exercice transcendant qui doit arriver au bon moment, quand la femme est prête à poser sur papier sa vie d’avant, sa vie actuelle et son impuissance face à l’accouchement et à sa vie future.

« Écris-lui à ton bébé. Dis-lui comment tu te sens. Raconte-lui ce qui se passe, ce que tu aimerais toi. Donne-lui le choix, et surtout, dis-lui que peu importe comment tout ça se dévoile, tu l’enfanteras dans l’amour et le don de toi pour lui. »

OMG! Je ne peux pas croire que je vous montre ça! Mais je vais le faire…

Après tout je vous ai bien montré ma vidéo d’enfantement! Vous l’avez manquée? Too bad!  Elle a été en ligne pour mes abonnés deux semaines environ. Elle est maintenant accessible exclusivement aux membres de ma préparation virtuelle à la naissance.

Mais bon, je vais vous faire un autre partage très intime. Celui de ma propre lettre que j’ai écrite à mon bébé avant d’enfanter…

La voici :

Mon bébé, 

Tu es toujours au chaud et moi je me fragmente en morceaux. Je me sens molle, lente et laide même. La lumière dans mes yeux s’est estompée. Je suis épuisée. J’ai mal partout. J’ai du mal à me déplacer. Je n’ai plus de patience ni envie de rien.

Chaque jour, je me dis que tu pourrais sortir… puis la journée passe, longue comme une éternité, et je me couche encore enceinte. Les jours se suivent ainsi.

J’ai hâte de retrouver la mère que je suis normalement avec mes enfants. Eux aussi ont hâte, je pense. Je sens que ton père en mène large et qu’il est dépassé, ce qui ne me rassure pas et augmente mon sentiment d’impotente.

Cette grossesse de toi, je l'ai fait en deux grossesses. J'ai accouché la mort pour toi mon bébé. Un sacrifice juste je le sais. J'ai accepté il y a longtemps. Mais là je n'en peux plus d'attendre pour plonger dans tes yeux.  Ça fait quinze mois que je te porte. Je n'ai plus la force d'attendre. Je veux t'entendre , te voir, te toucher, t'aimer de ton vivant sur Terre, te témoigner. J'en ai marre d'avoir peur de la mort de toi en moi. Sors mon bébé. Sors. 

C’est la nouvelle lune demain.  Tous tes frères et sœurs sont nés à la nouvelle lune. Feras-tu comme eux?

Je t’en prie mon amour, sors. Viens nous rejoindre de ce côté de la vie. Tout est prêt pour toi et en plus de nous, des gens de partout dans le monde t’attendent et t’espèrent. 

Vas-y! Glisse vers mes bras mon bébé. 

On va le faire. Je t'enfanterai en femme libre et puissante. Je t'aime.

Maman, xx

Comme par magie, mon bébé est né le lendemain… à la nouvelle lune! J'étais mûre, réellement fragmentée. J'avais abdiqué. C'est ÇA, le lâcher-prise faut croire. Du moins pour moi. 

Et vous comment avez-vous vécu la fragmentation pré-vortex de la naissance ?