«Sans oui c’est non, même quand j’accouche!»

Cette année, dans le cadre de la Semaine Mondiale pour l’Accouchement Respecté (SMAR), on parle de consentement et de violence obstétricale. Déjà depuis quelques jours on voit circuler sur les réseaux sociaux le slogan «Sans oui c’est non, même quand j’accouche!», ou encore les hashtags #SMAR2017 #AccouchementNonDenoncé et #ViolenceObstetricale

En 2016, on a dénoncé la culture du viol et combien celle-ci est partout. À l’occasion de la SMAR 2017, on dénonce qu’on la retrouve même dans la salle d’accouchement, sous l’appellation de “violence obstétricale”.

La violence obstétricale, c’est quoi?

Quand une femme* qui accouche subit des interventions sans d’abord fournir son consentement libre et éclairé, on parle de violence obstétricale.

Par exemple, une femme couchée sur le dos, branchée à un soluté, anesthésiée, à qui on empêche de manger, voir même de boire, et qu’on entoure de spécialistes prétendant savoir mieux qu’elle comment accoucher.

Ajoutez à cela quelques particularités. Comme le fait de n’avoir eu aucune préparation prénatale et de ne pas comprendre ce qui se passe. D’être accompagnée par des personnes qui ne savent pas non plus ce que c’est la naissance. D’être jeune et sans scolarité. De ne pas être blanche et de ne pas parler la langue.

Face à autant de facteurs de vulnérabilité, la médecine moderne retrouve vite ses origines patriarcales, se dressant devant la femme avec l’autorité de sa Connaissance.

Son vagin devient un passage à bébé, qu’on se permet d’examiner sans consentement, sous l’excuse de la recherche d’informations et des interventions médicales. Pour le bien-être du bébé, et bien sûr, de la maman.

C’est ainsi que la femme qui accouche se retrouve nue, attachée et écartée devant des inconnus qui la regardent, l’évaluent, lui donnent des ordres et qui lui «passent dessus», chacun son tour. Mes mots sont durs, j’en conviens, mais ce sont les mots que prononcent ces femmes qui sont victimes de violence obstétricale. Ils ne sont pas mes mots, ce sont les leurs.

Une violence insidieuse

Ce qu’il y a d’insidieux dans la violence obstétricale, c’est que l’intention de départ du professionnel «violent» ou «violeur» n’est pas de causer du tort à la femme qui accouche. Les médecins, infirmières et sages-femmes qui accompagnent l’accouchement n’ont pas l’intention précise de faire du mal et de causer des traumatismes aux nouvelles mères. Au contraire, la plupart ont choisi la vocation des naissances par amour pour les femmes et leurs bébés.  Comment donc peuvent-il devenir des acteurs de la violence obstétricale?

Certes, les «violences institutionnelles» et «de genre» que Marie-Hélène Lahaye,  la bloggeuse (juriste) de Marie accouche là explique dans ce billet, sont certainement une partie de l’explication. Elle définit la violence obstétricale comme suit :

« Tout comportement, acte, omission ou abstention commis par le personnel de santé, qui n’est pas justifié médicalement et/ou qui est effectué sans le consentement libre et éclairé de la femme enceinte ou de la parturiente. »

Ce n’est quand même pas la norme

Avant de continuer dans le vif du sujet, je tiens à nuancer le phénomène en spécifiant que tout médecin, infirmière ou sage-femme n’est pas un acteur de cette violence. Au contraire! La plupart travaille avec une bienveillance exemplaire et veille à avoir le consentement éclairé de la femme avant de faire une intervention. Mais la réalité reste que la violence obstétricale existe et qu’il faut en parler si on veut l’arrêter. Et puis on est en plein dans la SMAR!

Des exemples de violences obstétricales

Le spectre des violences obstétricales est large. Allant du médicament administré sans explication ni consentement, jusqu’à la césarienne effectuée sous une anesthésie insuffisante. Marie accouche là  nous propose pour bien la comprendre, de transposer l’acte subi pendant l’accouchement en dehors du contexte hospitalier.

Imaginez par exemple que vous êtes chez vous et que quelqu’un entre sans invitation, avec tous ses étudiants, qu’il lève votre jupe, baisse votre culotte et insère deux doigts dans votre vagin sans même vous demander. Juridiquement parlant, c’est un viol. Même chose en accouchant.

Imaginez que vous avez faim et soif, mais qu’on vous empêche de manger et de boire, violence.

Une révision utérine sans explication ni anesthésie, violence.

On prend votre bébé et on vous empêche de le voir, violence.

On masse votre utérus à toutes les quinze minutes avec acharnement sur le moindre petit caillot, violence.

Vous demandez à ce qu’on ne coupe pas le cordon avant la sortie du placenta mais on n’en tient pas compte, malgré un déroulement normal, violence.

On vous empêche de pousser en plein réflexe d’éjection, violence.

Des mères traumatisées par la violence obstétricale

Elles sont de plus en plus nombreuses à dénoncer leur expérience d’accouchement traumatique et le syndrome de stress post-traumatique relié à l’accouchement est une réalité psychologique de plus en plus reconnue.

Quand les rêves et les souvenirs répétitifs (flash-back) de l’accouchement créent la panique, l’appréhension de raconter son histoire, ainsi que des palpitations cardiaques, c’est qu’on est en présence d’un choc post-traumatique de l’accouchement.

Si cette réalité n’est pas prise au sérieux, les conséquences peuvent être graves, tant pour la femme elle-même que pour sa famille. L’isolement, la dépression, la détresse psychologique et les problèmes d’attachement avec le nouveau-né sont quelques-uns des risques qui menacent cette femme et sa famille.

Les bébés de la violence obstétricale

Je suis moi-même née à bout d’épisiotomie, de forceps et de ventouse. Admise en latence, ma mère est restée couchée 72 heures avant ma naissance, pour finir induite, anesthésiée et coupée jusqu’à l’anus.  Je n’ai pas été allaitée, on lui a fait croire que son lait n’était pas bon pour moi.

Je suis un bébé de la violence obstétricale et  j’ai grandi avec le sentiment d’être la responsable du récit d’accouchement de ma mère. Elle va jusque-là, la culture du viol.

Sachant tout ce que l’on sait aujourd’hui sur les bienfaits des hormones de l’accouchement en lien avec l’attachement, j’ose penser que si une femme accouche avec le sentiment d’avoir été violentée et même violée, l’attachement avec son bébé risque d’être plus difficile. Elle ne sera pas impossible, mais plus difficile.

Un jour une grand-maman sage-femme m’a dit :

«Toi, ce n’est pas pour rien que tu es devenue sage-femme. C’est la façon dont tu es arrivée dans la vie qui t’a fait hériter de la mission de protéger les naissances.»

La solution: dénoncer

On sait que 90% des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police. Entre autres, parce que les victimes craignent leurs agresseurs (connus dans 80% des cas) et qu’elles ont peur de ne pas être prises au sérieux. La réalité quand on est une victime de viol, c’est que même les proches ont tendance à ne pas nous croire. Des questions comme : «Avais-tu consommé de l’alcool ou de la drogue?»; «Comment étais-tu habillée?» ;  «Que faisais-tu toute seule aussi tard?»,  viennent responsabiliser la victime et déculpabiliser l’agresseur. C’est ça, la culture du viol.

On comprend donc pourquoi la violence obstétricale est si peu dénoncée. En osant dire qu’on s’est sentie violée et violentée en accouchant, on peut se retrouver face à des questions ou des commentaires comme:

“Mais de quoi tu te plains? Ton bébé est en santé après tout!”

“Tu avais juste à leur dire que tu n’en voulais pas d’examens!”

“Pourquoi tu as choisi d’accoucher à l’hôpital d’abord?”

“Tu avais juste à refuser les étudiants!”

Devant ces incompréhensions de la part de ses proches, la culpabilité de la violence obstétricale revient à tort sur la femme, qui choisira (trop souvent) de refouler son trauma tout au fond d’elle-même.

C’est pour cette raison, que dans le cadre de la Semaine Mondiale pour l’accouchement Respecté 2017, on vous encourage à dénoncer vos histoires d’accouchement violenté et traumatique. Si le coeur vous en dit et que vous en avez le courage, racontez-là votre histoire, en l’accompagnant des hashtags #AccouchementNonDénoncé #SMAR2017 et #ViolenceObstetricale . 

 

*Le mot femme est employé dans ce texte pour désigner toute personne se considérant comme telle ou ayant un utérus. (1)

 

Avez-vous été victime de violence en accouchant?

Si oui, osez la dénoncer. On est là, et on vous croira! #onvouscroit

 

Références:
(1) http://quebec.huffingtonpost.ca/sophie-seguin/culture-viol-accouchement_b_16627702.html?1494878096
fqpn.qc.ca
Marie accouche là
SMAR 2017
http://montreal.carpediem.cd/events/3444471-la-smar-2017-au-qu-bec-at-regroupement-naissance-renaissance/
http://www.rqcalacs.qc.ca/statistiques.php
http://www.helenevadeboncoeur.com/index.php/fr/la-violence-obstetricale