Voilà, tu l’as fait.

Une fois de plus, ton corps a créé et enfanté la vie. Tu t’es gonflée de promesses jusqu’à aussi pleine que la lune, jusqu’à être fragmentée de cette grossesse éternelle qui n’en finissait plus. Que tu étais lourde, lente, cernée, émotive ! Tu as bien compris que la femme qui s’en va accoucher en pleine forme est un mythe, que pour sécréter les bonnes hormones qui font accoucher, il faut déjà avoir été altéré jusqu’à la moelle.

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Puis tu l’as fait, tu as mis au monde ton enfant

Tu t’es laissée ouvrir aussi large que l’Univers. Au sommet du vortex tu as été fragmentée à nouveau, comme décomposée, le vaisseau que tu étais pour ton bébé s’est transformé en canal de vie pour son incarnation.

Une vie que tu as expulsée avec une force que tu te croyais incapable d’endurer. Même tes cris n’étaient pas à la hauteur de l’intensité qui te traversait. Mais tu l’as fait. Comme toutes les autres avant toi, parce que depuis toujours ce sont les femmes qui enfantent l’Humanité.

Et voilà Fille, tu es devenue mère à nouveau !

Ce n’était pourtant pas la première fois, mais encore cette fois tu t’es fait prendre au piège de te croire meilleure que la dernière fois. Tu pensais être habituée avec cette trâlée d’enfants que tu orchestrais sans fausses notes, ou presque, jusqu’à avant de renaître comme mère.

Tu pensais avoir assez d’expérience pour que ça se passe en douceur cette fois-ci. Ton plan postnatal était nickel : repos, repos, repos.

Même ton homme était de la partie. Cette fois-là, il allait faire ce qu’il faut et en effet il assure, encore mieux qu’au dernier bébé. Bref, tout se passe parfaitement bien dans ton postnatal optimal.  

Peu de visites, des repas congelés pour un mois, un nid tout bien pensé et organisé, assez de plantes et de remèdes pour tous les petits maux, un grand lit, des couvertures de bambou, des fleurs sur la table, du chocolat à volonté, et même un sauna vaginal!

Et pourtant, te voilà aussi vulnérable que toutes les autres fois.

Le cœur comblé, tu ne te reconnais plus.

Comblée d’un bonheur pur que tu sais apprécier encore plus à chaque enfant, tu ne voudrais pour rien au monde avancer le temps pour qu’il passe plus vite.

Tu te dis même que ça passe déjà trop vite. Depuis votre premier regard échangé dans tu es dans un total bliss. Comme une fontaine d’ocytocine, tu débordes d’amour.

C’est ça, le True love.

Ton cœur s’est dilaté encore plus large qu’il l’était et tu t’es même surprise à dire à ton homme des phrases comme : « Celui-là c’est le plus beau de tous ! », ou encore, « Plus on en a plus on les aime ou quoi ? » Et lui de te rappeler qu’au dernier aussi tu avais dit ça! Les phrases classiques d’une mère comblée.

Qui l’aurais cru ? Toi qui avait tellement répété à tout le monde que le petit dernier était le dernier, que pour toi les bébés c’était fini, F-I-N-I. Te voilà plus en amour que jamais.

Sois forte ma fille, tu es une nouvelle née.

Visiblement, t’avais oublié à quel point c’est intense de naître, qu’avec sa naissance toi aussi tu allais renaître, encore. À nouveau, tu es une nouvelle née et tu dois tout réapprendre.

Après tout, tu n’as jamais été la mère d’autant d’enfants.

Les jours passent, l’énergie remonte, puis elle stagne et remonte à nouveau, et redescend et remonte. Tu te demandes combien de temps il faudra pour retrouver un semblant de la toi d’avant, un semblant de routine.

Une partie de toi a hâte de savoir si tu y arriveras et à la fois tu repousses ce moment.

Tu te rappelles que ça ne fait qu’une semaine, puis deux, puis trois. Un tout petit mois, puis deux, puis trois. Collée sur ton trésor d’à peine quelques pouces et kilos, tu lèves le nez sur le mirage de cette vie qui t’attend quand tu auras repris les rênes du navire. Tu préfères rester ici, maintenant. Hors du temps, avec lui, ton bébé, ton repère tranquille.

Tu comptes les jours puis les semaines depuis sa naissance et chaque fois qu’il s’en ajoute, tu oscilles entre la nostalgie du temps passé depuis sa naissance et le vertige de l’avenir à tenir la barre d’un navire que tu crois ne plus savoir naviguer.

Entre le temps que tu crains et celui que tu vis, il y a tous ces tétées vécues en conscience, ces bains aux chandelles avec ton bébé, ces sessions de peau à peau, ces #slowavecbébé.

Tu plonges dans ces moments comme un refuge existentiel, avec la trame sonore de ta famille qui grouille derrière. L’avant-dernier qui fait une crise de bacon pour avoir un biscuit, l’ado qui fait une scène pour avoir un nouveau cellulaire, celle six ans qui veut jouer à l’école et qui crie pour avoir de l’attention, le plus vieux qui vit sa première peine d’amour et qui ne s’est pas lavé depuis quatre jours...

Et toi ? Toi tu es là avec ton petit bébé tout neuf et tu te refermes sur vous, comme un déni de l’intensité de cette Terre qui a continué de tourné. Tu sens ce besoin viscéral de vous protéger de cette vie intense. Protéger la pureté de cette naissance de vous deux, une naissance encore trop fraîche.

Merci à ton homme de te laisser le temps qu’il faut pour retrouver ta fougue de maman 

Tu voudrais bien savoir déjà t’occuper de chacun d’eux avec plénitude et présence, et à la fois tu aurais envie de tous les mettre sur pause le temps de vivre un jour ou deux, ou même toute une semaine, avec seulement ton bébé.

Mais comment elles faisaient nos grands-mères ? Je n’en ai que quelques-uns et elle en avait treize ! Tu te le demandes au moins une fois par jour !

Quand maman se lève et reprend les chaudrons.

Le seul mot qui te vient : « Surrender » (s’abandonner) se livrer à l’évidence qu’une fois de plus il faudra traverser les étapes, une à une, sans en sauter une seule. Tu as peut-être de l’expérience comme mère, mais pas comme mère d’autant d’enfants. Du coup, tu dois tout réapprendre.

Après avoir passé ton premier mois au lit ou autour de ta chambre. Te voilà remise sur pied et tout le monde attend quelque chose de toi. Debout comme une pieuvre au milieu de ta cuisine, tu orchestres ta famille à nouveau.

Le bébé dans le porte-bébé qui pleure pour boire, le souper qui cuit, les enfants qui se chamaillent, la maison en bataille.

Un coup d’œil dans le miroir pour te rappeler que tu n’as pas encore pris le dessus. Un respire à l’intérieur de toi pour te faire sentir combien il te manque déjà ton mois d’or. Tu te dis que tu as bien fait d’en profiter à voir le rythme de ta nouvelle vie.

Entre tes cheveux gras et ton shampooing sec, tes cernes et ton pinceau de maquillage, il y a une mère en train de renaître. Une mère qui fait de son mieux pour reprendre le dessus de sa vie de femme et de famille.

Entre l’envie d’enfiler ton jeans que tu aimais tant et l’évidence que la poche à bébé t’en empêchera pour plusieurs mois encore, il y a une mère en train de renaître.

Entre l’envie de coller ton homme et d’avoir la tête vide pour te remplir de vous deux, il y a une mère en train de renaître et qui se cherche encore comme Femme.

Crédit photo : Vanessa berthe

Crédit photo : Vanessa Berthe

Renaître à son nouveau corps.

Quand tu regardes ton corps nu dans le miroir et que tu fixes ton ventre vide, mou, plissé… tu oscilles entre le trouver laid ou sacré. Lui qui t’as offert cet enfant parfait, tu sais que ce serait lui rendre disgrâce que de ne pas respecter le temps qu’il lui faut pour trouver sa nouvelle forme.

Malgré tout, tu doutes encore un peu et tu n’es pas certaine d’arriver à l’aimer comme tu voudrais l’aimer.  Tu te trouves en pleine face avec l’évidence de ta renaissance, entre la théorie et la pratique.

Alors que ton Instagram te bombarde de photos de nouvelles mères avec un ventre une semaine post accouchement à peine plus gros que le tien quand tu n’es pas enceinte, tu aurais envie de crier au monde :

« Cette fille-là est une exception ! »

Et de leur montrer ton ventre en leur disant :

« Regardez à quoi ressemblent la plupart des ventres après avoir accouché !»

Mais tu ne dis rien, tu n’écris même pas de commentaire.  Tu ravales ton amertume face à cette culture du corps parfait, même en postnatal.  Puis, tu te recentres sur la sagesse de ton corps, du moins tu essaies.

Rappelle-toi ce mantra :

« En vouloir à ton corps de ne pas déjà être comme avant serait lui rendre disgrâce pour cet enfant qu’il vient de t’offrir. »

Renaître à sa vie.

S’abandonner, oublier celle qu’on était avant, pour renaître à sa nouvelle vie de mère, de femme, de famille. Faire confiance au processus, aussi chaotique et vertigineux qu’il puisse être.

Apprécier les petites victoires. La première fois qu’on lave le plancher et que les lessives sont faites et ranger, la première épicerie seule avec bébé (vive le porte-bébé !), la première virée magasinage, la première visite à une amie, la première fois qu’on fait l’amour —ce sentiment d’être vierge à nouveau—, la première session de yoga, la première marche sans bébé…

Une renaissance de mère est forcément une série de mille premières fois.

Ta communauté en virtuelle.

Dans l’isolement des jours qui passent, tu remercies l’ère moderne pour son divertissement virtuel. Bien que ton amie de Baie-Comeau, de la Suisse ou du Pérou ne viendront pas prendre le thé avec toi aujourd’hui, bien que tu ne les as même jamais vues en vrai ces filles, les quelques échanges de photos et de mots que vous avez via Messenger ou Instagram te font sourire et te donne la force de continuer.

On dira ce qu’on dira, mais s’il y a bien un bon côté aux réseaux sociaux c’est celui d’unir les mères qui se ressemblent, peu importe les océans qui les séparent.

Puisque le monde semble rouler trop vite pour s’arrêter autour des nouvelles mères, de nos jours on peut au moins trouver un peu de réconfort dans le secret de nos groupes Facebook préférés ! (La communauté virtuelle associée à ma préparation virtuelle est est une...)

Et ton couple lui ?

Tu regardes ton chum/ta blonde et tu te demandes comment vous allez faire pour parcourir le chemin qui semble vous séparer de plus en plus au fil des semaines qui passent.

Au début, avec le pic d’ocytocine de la naissance, malgré l’intensité du postnatal immédiat vous arriviez à sentir la force du lien d’amour qui vous unit. Seulement là, à quelques mois du vortex de la naissance, ce lien semble devenir plus acquis, comme négligé même.

À la fois vous êtes plus unis et forts que jamais, à la fois vous n’avez jamais été aussi loin. C’est difficile à décrire, mais autant vous vous aimez sinon plus qu’avant, autant vous vous manquez énormément.

Entre les tâches de la maison et les demandes des enfants qui semblent sans fin, le sentiment d’être des colocataires-meilleurs-amis-en-charge-d’une-trâlée-d’enfant semble être la meilleure façon de vous décrire en ce moment, et ça t’attriste de l’avouer.

Du coup tu te rappelles à nouveau que la naissance d’un enfant c’est pas seulement une renaissance de mère, mais aussi de couple, et même, de famille.

C’est le moment de mettre en pratique tous vos trucs pour vous retrouver un peu. La three minutes game, les câlins de trois minutes, les regards en souriant, les discussions dos à dos… le pot d’huile de coco dans la table de chevet…

Devenir mère, encore plus intense qu’enfanter.

On n’en parle jamais de la sorte, mais le fait est que devenir mère, finalement, c’est mille fois plus intense qu’accoucher. Un enfantement, ça dure un jour ou deux, mais l’après lui dure pour toujours.

Et même si forcément l’accouchement a un impact sur nos premiers instants et notre style de maternité, qu’il se soit passé à merveille ou se soit terminé en trauma, la naissance d’une mère est toujours inévitable et intense.

Alors, sois forte fille, tu deviens mère !

Rappelle-toi qu’avant toi d’autre y sont passé et que la seule et unique façon de s’en sortir, c’est d’accepter que tu ne seras ni parfaite ni la meilleure. Vas-y doucement, mais surement, et tu y arriveras. Embrasse ta renaissance avec grâce.

LOVE, Kxx