J’accouche, tu accouches, il accouche. Il m’a accouché. Elle a enfanté. Mettre au monde un enfant, donner la vie. Une femme en couches...
Tant de mots, qui, à priori, semblent avoir le même sens…
Accoucher ou enfanter, quel mot choisir ?
ACCOUCHER, prenons d’abord ce mot si commun. Déjà, en 1880, l’étymologiste Émile Littré observe une lacune dans ce mot, comme si « se coucher », résumait tout d’une naissance. Un peu comme si on décidait que « s’assoir », était suffisant pour désigner se mettre à la table et manger. (Littré, 1880).
Se coucher. Est-ce cela, enfanter? À quel moment la femme se couche-t-elle lorsqu’elle donne naissance? Au tout début, pour se reposer. Hum, peut-être. Ou encore, à la quiétude, lorsque les vagues des contractions semblent avoir épuisé la femme (et le soignant), que les contractions se calment, ralentissent. La femme prend ainsi le temps d’intérioriser cette mise au monde; le bébé en train de naitre fait peut-être la sieste.
Et, si la femme s’allonge sur le côté, instinctivement, durant le travail, alors, est-elle en train « d’accoucher »? Or, si elle se couche sur le dos, peut-être n’est-ce qu’un simple conditionnement? Notre cerveau, il en a vu plus qu’un accouchement, alité, à la télévision. Après tout, il faut bien être une « bonne » patiente.
« Allez, ma petite dame, couchez-vous ici qu’on vous observe le creux du vagin! »
Enfanter ou accoucher?
Étrange. Pouvons-nous enfanter sans accoucher?
Hum… Les anthropologues ont observé que très rarement, les femmes des sociétés anciennes donnaient naissance couchées. Pas sur le dos, en tout cas. (Golsmith, 1994)
Bien au contraire, en sentant son bébé pousser de sa lourde tête sur son sacrum, la femme se lève! Elle s’agenouille, aussi, se place à quatre pattes ou accroupie. Puis, le bassin, cette savante structure conçue d’os et d’articulations, s’emplit des relaxines durant l’enfantement afin d’atteindre sa laxité ligamentaire maximale, il s’ouvre. Le sacrum, se déplie. L’enfant pivote, tête fléchie, tourne sur lui-même, pour ne rien abîmer. La naissance s’opère alors sans artifice, dans la noirceur, l’intimité. Le bonheur.
Le bassin, vu du ciel, ressemble un peu à un cœur.
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Le bassin est une structure ingénieuse, capable de mouvement. Ses articulations sont (1) L'articulation sacro-iliaque, (2) l'articulation lombo-sacrée, (3) l'articulation sacro-coccygienne, (4) l'articulation de la hanche, (5) la symphyse pubienne.
L’analogie du tire-bouchon, un aide-mémoire pour se rappeler la vrille du bébé, un mécanisme qui permet à la tête du fœtus de se faufiler au travers les détroits du bassin, dont le promontoire du sacrum, puis, éventuellement, à dégager les épaules à la sortie. Observer comme la femme, enfantant à genoux, travaille en harmonie avec son bébé.
La femme, passive ou active?
En 1880, le Dictionnaire Littré voit déjà une différenciation entre ACCOUCHER et ENFANTER : « Le premier a un sens passif : l’accouchement de cette femme par une sage-femme; le second n’a qu’un sens actif. » (Littré, 1880).
Un sens passif. Se faire accoucher. Se coucher.
Un sens actif. Mettre au monde son enfant. L’enfanter.
Passif. Se faire soigner. Se faire surveiller, médicalement parlant.
Actif. Trouver en soi ses propres moyens de gérer son corps, ses tensions, ses hormones.
Donner naissance comme une patiente ou donner naissance avec patience.
Et si on changeait nos mots, tellement riches de sens, pour marcher ensemble vers le nouveau paradigme des naissances, où les femmes enfantent?
Références :
Goldsmith, J. (1994). Childbirth Wisdom : from the oldest societies. Talman Co Publisher.
Littré, E. (1880). Dictionnaire Littré, Éthymologies, texte du domaine public (François Gamaz) www.littre.org.
Cynthia Durand (ou Dunord) est une doula Nunavummiuq passionnée de la périnatalité. Elle lit continuellement sur le sujet, écrit sur le blogue la Saison du mammouth et accompagne le cheminement de femmes à travers leurs grossesses. Elle est l’auteure du livre jeunesse Ma mère, c’est la plus forte : une histoire sur la naissance, un ouvrage créé pour mieux préparer sa propre famille à ses accouchements libres et pour transmettre aux enfants un secret bien gardé dans notre société moderne: accoucher est merveilleux.
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